Séminaire “Neurosciences, médecine et vieillissement” (mai-juin 2009)

Séminaire proposé par Fabrice GZIL (UP7/IHPST) & Jean-Gaël BARBARA (NPA/REHSEIS)

De 18h à 20h, salle 165 E– Halle aux Farines

Esplanade Pierre Vidal-Naquet  — Paris 13e

L’intrication croissante de la médecine et des neurosciences soulève des questions éthiques et épistémologiques importantes. Bien que les problèmes rencontrés ne soient pas absolument nouveaux, ils prennent ici une coloration particulière, notamment quand il s’agit des affections cérébrales liées au vieillissement.

Le séminaire est ouvert aussi bien à des philosophes et à des chercheurs en sciences humaines qu’à des biologistes et des médecins. Il vise à jeter un éclairage philosophique sur quelques débats contemporains touchant les neurosciences, la médecine et les maladies liées au vieillissement. Les intervenants viennent pour l’essentiel du champ des neurosciences et de la médecine. Ils présentent l’état de l’art et posent quelques éléments de réflexion. Dans la deuxième partie de la séance, une large place est laissée à la discussion, afin d’approfondir les enjeux éthiques et épistémologiques des nouvelles connaissances et de leurs applications.

Mardi 26 mai 2009
Que valent les modèles animaux des maladies neurodégénératives ?
Michel MORANGE, École Normale Supérieure

Mardi 2 juin 2009
Troubles cognitifs légers et maladie d’Alzheimer, enjeux d’une possible redéfinition.
Yves CHRISTEN, Fondation IPSEN

Mardi 9 juin 2009
À quoi bon distinguer les maladies neurologiques liées au vieillissement ?
Catherine BELIN, Hôpital Avicenne

Mardi 16 juin 2009
Démences et identité personnelle : des neurosciences à la philosophie (et retour).
Françoise ODIER, Hôpital Sainte-Anne

Mardi 23 juin 2009
Comment évaluer la capacité des personnes à consentir à la recherche ?
Laurence HUGONOT, Hôpital Broca

Contact : fabricegzil@free.fr

Que valent les modèles animaux des maladies neurodégénératives ?
Michel MORANGE, Centre Cavaillès, Ecole normale supérieure
Différents types de modèles ont été récemment mis au point pour les principales maladies neurodégénératives humaines (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson). La première partie de l’exposé sera consacrée à la description de ces différents modèles, et à une analyse de ce qui les distingue. Dans la seconde partie, nous nous interrogerons sur cette notion de modèle, et d’animal-modèle. La valeur d’un modèle dépend du type d’explication et du niveau d’organisation qui sont privilégiés.

Troubles cognitifs légers et maladie d’Alzheimer. Enjeux d’une possible redéfinition.
Yves CHRISTEN, Fondation Ipsen
Toujours discutée la notion de MCI (mild cognitive impairment) a suivi une évolution au cours de laquelle on peut distinguer trois étapes : 1/ la marginalité quand, sous des labels divers (dont celui d’AAMI), des auteurs, en général gériatres ou psychologues, essayaient de distinguer une forme de vieillissement cognitif non normal mais différent de la maladie d’Alzheimer et d’autres démences ; 2/ la reconnaissance quand Petersen a réussi à faire passer ce concept dans la littérature scientifique et au sein de la communauté des neurologues. On a vu alors paraître des articles sur ce thème dans les grands journaux (comme Neurology) ; 3/  la contestation ou la révision qui semble caractériser l’époque actuelle. Les auteurs tendent à considérer qu’une forme au moins de MCI (le MCI amnésique) n’est que la maladie d’Alzheimer encore atténuée, tandis que d’autres formes aboutiront à d’autres démences ou ne se convertiront jamais en démence et peuvent donc être considérées comme de l’ordre du vieillissement normal.
Ces considérations invitent à s’intéresser à la notion même de normalité. La question n’est ni neutre ni nouvelle puisque l’alzheimérologie s’est développée comme une discipline majeure dès lors qu’elle a fait passer dans le cadre de la pathologie réelle les cas (majoritaires) qui jusqu’alors relevaient de l’affaiblissement cognitif normal lié à l’âge (« gâtisme »). Il y a donc eu, en quelque sorte, un déplacement de la frontière du normal et du pathologique ; l’apparition du MCI tend à déplacer encore cette frontière mais tout en en affirmant implicitement la réalité.
Or l’existence même d’une telle frontière fait problème. La médecine en affirme implicitement (et parfois explicitement) la réalité. Je soutiendrai un point de vue plutôt différent, en développant deux idées. 1° Le vieillissement n’est que la suite du processus de développement ; les mêmes mécanismes (particulièrement la sélection de stratégies physiologiques ou psychologiques) se poursuivent ; 2° Ce que l’on désigne comme pathologique n’est pas un ensemble de phénomènes venus d’ailleurs, mais un processus mis en place par l’organisme lui-même (peut-être pour rétablir une homéostasie compromise). Dans cette perspective, la maladie s’actualise parce que le corps est capable de la faire émerger et la distinction entre normal et pathologique doit être revue à la baisse.

Démence et identité personnelle : des neurosciences à la philosophie (et retour)
Françoise ODIER, Hôpital Sainte-Anne
La clinique neurologique fournit de nombreux exemples de désorganisation du fonctionnement personnel. Le développement lent ou brutal de la pathologie crée des atteintes susceptibles de dissocier les constituants personnels, posant la question de la conservation de l’identité. La démence, par son atteinte progressive et inexorable, nous oblige à soulever la question de la dissolution de l’identité. Dans ce cadre biologique, la réflexion nous amène à penser l’identité en termes de neurosciences; la pensée philosophique nous ouvre un champ de représentations et de concepts qui fécondent la problématique et nous permet d’échapper à un réductionnisme inquiétant.