Séminaire “Canguilhem et son chantier” (2008-2009)

PROGRAMME 2008/2009

CANGUILHEM  ET  SON  CHANTIER

Ce séminaire fait partie du  7ème Programme-Cadre de la Communauté Européenne

Il est soutenu par une bourse Marie Curie « People » (sous l’identifiant : PIEF-GA-2008-221205)

et le Centre d’Archives de Philosophie, d’Histoire et d’ Édition des Sciences (CAPHÉS)

Mercredi de 18h à 20h – salle 065 E

Halle aux Farines

Esplanade Pierre Vidal-Naquet

Calendrier : 18 février, 4 mars, 18 mars,  1er avril, 6 mai et 20 mai

ATTENTION : Séance du mercredi 20 mai :

Elle aura lieu à 17h au lieu de 18h et se déroulera au CAPHES et non aux Grands Moulins

29 rue d’Ulm – Paris 5e

Rez-de-chaussée à droite, puis 1ere porte à gauche

de manière à pouvoir visiter le Fonds Canguilhem

Le « Fonds Canguilhem » constitué en 2003 au CAPHÉS (Centre d’Archives de Philosophie, d’Histoire et d’Édition des Sciences) grâce à une donation de la famille du philosophe, permet aujourd’hui de jeter une nouvelle lumière sur la pensée de Canguilhem.

À partir de l’essai de 1943 sur le normal et le pathologique, l’œuvre de Canguilhem se fait connaître au public comme étant un travail qui se veut soigneusement délimité au champ de l’épistémologie de la biologie et de la médecine. Néanmoins, il est clair que le geste philosophique contenu dans ce travail – c’est-à-dire les questions qu’il pose, la manière qu’il a de les poser et la façon qu’il a de proposer l’inscription pratique de la philosophie dans le présent– est irréductible à toute délimitation disciplinaire. La philosophie de Canguilhem, même quand elle se présente sous la forme d’une exploration régionale du savoir, est en tant que telle en excès par rapport à son épistémologie et aux résultats, pourtant importants, de son travail méticuleux d’historien et d’épistémologue de la biologie et de la médecine.

Tout lecteur de ses essais peut faire l’expérience de cet écart philosophique qui demeure ouvert dans son travail épistémologique et qui se présente, à chaque fois, comme un moment où son écriture nous demande un supplément d’attention. À la limite, on doit dire que si le travail de Canguilhem a pu (et peut encore aujourd’hui) produire des effets de pensée qui vont bien au-delà de son champ d’application, c’est précisément grâce à l’écart qui demeure ouvert entre le philosophe et l’épistémologue.

Les écrits inédits contenus dans le fonds nous permettent de travailler de manière plus directe et plus approfondie sur cet écart. La quantité du matériel contenu dans le fonds est immense (le personnel du CAPHES est en train de rédiger un index complet qui, dès le début de l’année 2009, sera disponible en ligne sur le site : http://www.caphes.ens.fr/).

Déjà à partir de la fin des années 20 son enseignement philosophique est accompagné par un travail intense d’écriture. Selon une méthode de “travail du concept” qui restera à peu près la même tout au long de son activité d’enseignant, Canguilhem produit dans la plupart des cas de véritables dossiers qui seront consacrés, à chaque fois, à une thématique spécifique. À l’intérieur de ces dossiers on trouve souvent plusieurs ensembles de notes (manuscrites ou dactylographiées) destinés à explorer un aspect, une notion, un concept spécifiques censés rendre compte de la thématique et de son extension (et on trouve souvent aussi des références bibliographiques et des citations d’ouvrages philosophiques, scientifiques ou littéraires réécrites par Canguilhem lui-même).

L’intérêt extraordinaire de ce matériel vient de ce qu’il nous permet non seulement d’avoir accès à beaucoup de réflexions épistémologiques sur les normes qui ne se trouvent pas dans les textes publiés (avec des ouvertures inédites notamment sur le problème des normes sociales, sur l’ethnologie, sur la psychanalyse, sur le marxisme, etc.) mais aussi de faire ressortir comme tels les enjeux philosophiques majeurs auxquels la pensée de Canguilhem s’est trouvée confrontée tout au long de la formation et de la transformation de son œuvre. Le fonds nous permet de repenser Canguilhem à partir de ce que nous pouvons appeler son “chantier”.

Tout en respectant la volonté testamentaire du philosophe de garder inédite cette écriture que lui-même a néanmoins voulu soigneusement garder et archiver, le séminaire vise à proposer au public un parcours philosophique à l’intérieur de ce chantier.

Dans la première partie du séminaire nous essaierons de faire ressortir des écrits inédits les deux problèmes philosophiques qui semblent se poser de manière fondamentale dans la pensée de Canguilhem avant même que sa réflexion sur les normes commence à prendre forme : le problème de l’erreur et celui de lacréation. Ces deux problèmes ne cesseront de revenir  par la suite aussi bien à l’intérieur  de son travail épistémologique qu’à ses limites.

Nous essaierons de faire entrer en résonance les réflexions pour la plupart inédites que Canguilhem consacre, déjà à partir de la moitié des années trente, aux deux problèmes métaphysiques de l’erreur et de la création avec sa manière de penser et de pratiquer l’épistémologie, avec sa manière d’approcher le problème des normes et avec sa manière de penser le vivant, la technique et la science. Cette réflexion métaphysique ne se fait pas sans une confrontation directe avec la tradition philosophique et, pour le voir, nous nous concentrerons sur les notes que Canguilhem consacre à Platon, Descartes et Nietzsche. En effet, la confrontation avec ces trois philosophes semble se présenter dans son écriture précisément au moment où il s’agit pour lui de penser l’erreur (Platon et Descartes) et la création (Nietzsche).

La deuxième partie du séminaire sera consacrée à un matériel inédit qui devra nous permettre de mieux comprendre la trajectoire de sa réflexion épistémologique. De manière particulièrement significative, les dossiers contenus dans le fonds semblent nous montrer un déplacement majeur qui se produit dans la pensée de Canguilhem depuis les années quarante jusqu’aux années soixante-dix. Tout au long de cette période, il semble que le centre de son interrogation et de son exploration épistémologique se déplace petit à petit du problème des normes à celui des régulations. En gardant ouverte cette trajectoire sur les questions philosophiques émergées dans la première partie du séminaire, nous nous demanderons comment doit-on ici penser l’apparition de plus en plus importante du thème de la régulation. S’agit-il d’un déplacement par rapport à la réflexion précédente sur les normes ? Ou bien faut-il penser ici à une redéfinition de la réflexion précédente dont il s’agirait plutôt de saisir les nuances ?

Canguilhem et son chantier